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Imilla Skate : elles s'en battent le skate! Rencontre avec Deysi Tacuri Lopez, l’une des cofondatrices du collectif.

  • Photo du rédacteur: Blogoculaire
    Blogoculaire
  • 13 mai
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 2 juil.



Intro :

J’ai découvert le collectif bolivien d’Imilla Skate après avoir découvert les cholitas luchadoras. Un deuxième exemple d’empowerment des femmes cholitas boliviennes, s’appropriant une autre discipline sportive traditionnellement masculine.


J’ai immédiatement été frappée par ces skateuses si stylées, avec leur tenue de cholitas (jupes, chemisier, tresses, chapeau) des temps modernes, jolies gambettes et Vans aux pieds, mélange de tradition et de modernité. Et par leur courage de s’attaquer à une discipline traditionnellement le terrain de jeu des hommes, dans un pays pourtant historiquement si machiste et conservateur.


J’ai alors contacté le collectif, et ai eu la chance de rencontrer l’une des cofondatrices et membre actif, Deysi Tacuri lors de mon passage en mars 2025 à Cochabamba (Cocha pour les intimes, 3ème + grande agglomération bolivienne, censée être la ville de l'éternel printemps située dans les Andes boliviennes de la Bolivie - petit aparté météo : je dis censée parce que c'est l'une des villes où j'ai eu le + de pluie de tout mon séjour, à base de pluie torrentielle quasiment tous les jours...ok c'était la saison des pluies, mais les habitants eux-même n'avaient jamais vu un telle quantité d'eau!!)


On a discuté autour d’un café au fameux Typica (une chaine de cafés bolivienne assez cosy et toujours installés dans de jolies maisons coloniales, si prisée des français qui voyagent en Bolivie), puis on a pris son scooter (sans casque, bien sûr, Bolivie oblige) et elle m’a emmenée d’abord sur la plaza Granado puis au skatepark d’Ollantay, pour une session photo.


Les photos et l’article sont le fruit de ma rencontre avec Deysi, et de quelques investigations ultérieures que j’ai faites sur le sujet.

 


Qui sont les cholitas et quelle est l’évolution de leur place dans la société bolivienne ?

Pour éviter de me répéter mot pour mot, le sujet ayant déjà été traité dans un de mes articles précédents, je vous invite à consulter les 2ème et 3ème paragraphe de mon article sur les cholitas luchadoras,

https://www.blogoculaire.com/post/lucha-libre-de-cholitas-%C3%A0-la-paz-rencontre-avec-e Pour compléter, Deysi m'explique également que c'est sous le mandat de l'ancien président Evo Morales que l'État plurinational de Bolivie a été fondé, reconnaissant ainsi 36 peuples autochtones dans la Constitution et leur garantissant (en théorie, du moins !) le respect et la protection de leurs droits. La situation des cholitas s'est ainsi considérablement améliorée dans la société bolivienne. Rendons à César ce qui appartient à César.


Et ce, malgré les nombreuses accusations de corruption et d'abus sexuels qui semblent plus que vérifiées à l’encontre d’Evo Morales, ce que déplore bien entendu aussi Deysi... :(

 

Origine du mot Imilla

"Imilla" est un terme que tous les Boliviens connaissent, et qui signifie "petite fille, jeune fille" en quechua (langue encore très parlée en Bolivie, de loin la + parlée des 36 langues indigènes existant en Bolivie avec l’aymara).


Autrefois péjoratif, le terme devient progressivement un symbole de force et de résilience, au fur et à mesure que les jeunes filles assument leurs origines indigènes.

 

(Fun Fact) : origines du skate

Le skateboard est né dans les années 1950 en Californie, aux États-Unis, lorsque des surfeurs, en quête d’une activité à pratiquer quand les vagues manquaient, ont fixé des patins à roulettes à leurs planches.

 

Imilla Skate : le trait d’union entre skate et cholitas

Imilla Skate, c’est un collectif de 8 skateuses boliviennes fondé en 2019 et qui redessine les contours du skateboard et de l'identité indigène cholita bolivienne avec audace et fierté.

Huit jeune-femmes toutes descendantes de cholitas (par leur mère ou grand-mère, qu’elles soient d’origine quechua ou aymara) qui partagent une même passion pour le skate et une détermination commune : contribuer à l’empowerment des jeunes filles des classes populaires grâce à la pratique collective du skate et l’enseignement de ses valeurs, tout en célébrant leurs racines indigènes.

En skate, on tombe, mais on se relève, et on avance. "C'est ce que nos mères et nos grand-mères ont toujours fait", analyse Deysi.

Le skate et les cholitas partagent ainsi de nombreuses valeurs, comme la résilience, le courage, la ténacité, l’importance de la communauté…


Mais attention aux contrefaçons ou au risque de tomber dans la mise en scène : " Nos grands-mères et nos mères portent la jupe traditionnelle parce que c'est leur identité et qu'elles sont fières d'être elles-mêmes", explique Deysi Tacuri Lopez

 


Faits marquants depuis la création du collectif en 2019


C’est officiellement le 07 avril 2019, soit l’un des jours piéton (Día del Peatón) à Cochabamba que le collectif est né, lors d’un atelier de skate avec rampe organisé sur la Plaza Colon de Cochabamba, avec l’envie de réunir en un collectif plutôt que de continuer à skater chacune de manière individuelle. 


Puis quelques mois après, le 14 septembre 2019, à l'occasion de la fête de Cochabamba, une vidéo des Imilla Skate fait le tour des réseaux sociaux. Les skateuses, qui pour la première fois se vêtissent avec la pollera, le chemisier et le chapeau melon des cholitas, dévalent les rues et les skateparks avec une aisance fascinante. Faisant immédiatement le buzz.


La vidéo obtient + de 20 000 vues, et leurs followers augmente sur les différents réseaux (elles ont à date quasiment 130k followers sur Instagram par exemple).


C'est d'ailleurs quelques jours après, le 19 septembre 2019, qu'est inauguré le skate park Ollantay, dans le quartier de Villa Coronnila, à côté d'un ancien abattoir devenu lieu d'art contemporain (le projet MARTadero, jeu de mot avec matadero qui signifie abattoir et qui fait référence à la 1ère activité du lieu). Désormais référence pour tout le milieu des cultures urbaines, du hip hop au skate en passant par le parkour.




Après avoir fait son entrée sur la scène olympique lors des Jeux Olympiques de la Jeunesse de Nankin 2014, le skateboard devient l’un des cinq sports à rejoindre le programme olympique des Jeux Olympiques de Tokyo 2020 en… juillet 2021 (reportés pour cause de covid). Avec des compétitions dans les disciplines de street et de park, avec des épreuves distinctes pour les femmes et les hommes. Offrant ainsi à ce sport une fenêtre de visibilité mondiale et entrainant une vagues de créations d’associations (et de vocations)


En 2023, National Geographic réalise un sujet sur le collectif.


En 2025, Vans & Documentary Plus collaborent avec elles et réalisent un court métrage documentaire sur elles, à l’occasion initialement de la Journée de la Femme (Dia de la Mujer). Il vient d'être mis en ligne le 30/06/25 dernier et peut être regardé sur Nowness


De nombreux voyages... Malgré son jeune âge, Deysi a déjà remporté plusieurs championnats nationaux et régionaux. Elle a également participé à plusieurs championnats internationaux de skate, ce qui lui a permis de voyager au Chili et au Pérou. Plus que la compétition, c'est avant tout l’occasion pour elle de rencontrer d'autres skateuses d'autres pays..


Une grande fierté récente de Deysi? En juillet 2024, le collectif est invité à Washington pour le Smithsonian Folklife Festival, un festival dédié aux cultures vivantes traditionnelles indigènes et folkloriques du monde entier organisé dans la capitale des Etats Unis.

Elles y rencontrent notamment Di’orr Greenwood, skateuse et artiste navajo, et Manny Santiago, champion portoricain engagé dans la promotion du skate. "Nous avons compris que nous faisions partie d'un mouvement mondial : revaloriser nos cultures et résister à l’uniformisation de la mondialisation", raconte Deysi.


Une autre source de fierté pour elles, ce sont les marques qui s'intéressent au projet Imilla Skate et avec lesquelles elles collaborent (Samsung, Pepsi, Vans)


Elles sont par ailleurs régulièrement invitées à participer à des émissions ou répondre à des interviews des médias du monde entier. Le jour où j’ai rencontré Deysi par exemple, elle avait une interview avec une chaine de TV nationale quelques heures après !


 

Les actions du collectif Imilla Skate

Les Imilla Skate organisent très régulièrement des ateliers auprès d’associations s’occupant d’enfants très vulnérables et victimes de violences, comme par exemple :

-        au refuge de San Rafael / Martina, association aidant les enfants de 6 à 18 ans et les parents célibataires en leur fournissant aide & alimentaire, économique, soutien scolaire - et cours de skate aux enfants grâce à des planches données par plusieurs marques

-        à l’association de soutien scolaire pour enfants Indigo del Sol

-        dans des écoles, institutions, ferias…

 

Malheureusement, comme elles n’ont pas à date de lieu à elles et 100% sécurisé,  ces ateliers sont ponctuels, et certains parents se méfient et ne leur confient pas leur enfant.


Au cours des ateliers, plusieurs objectifs :

-        sensibilisation des jeunes participantes à leurs origines, aux valeurs autour de leurs aïeules, les rendre fières d’être descendantes de cholitas (vs parfois jugé comme honteux d’avoir des mères ou grand mères de pollera, qui parlent une autre langue etc…)

-        donner des cours de skate, apprendre à monter sur la planche, à patiner (en y allant progressivement, et en faisant attention à ce qu’ils ne tombent pas trop fort pour qu’ils ne fassent pas un blocage psychologique ensuite)

-        transmettre les valeurs du skate, pour que les jeunes filles puissent ensuite les appliquer dans leur vie quotidienne (ténacité, résilience, communauté / fraternité…) comme une philosophie de vie, un échappatoire quand la vie est dure

 


Le rêve de Deysi et de ses acolytes : ouvrir un centre communautaire

Après une première étape franchie en 2022 avec l’ouverture du skatepark Ollantay dans la périphérie de Cochabamba (le 1er skatepark de la ville), Deysi et ses acolytes d'Imilla Skate rêvent d’aller encore + loin et que le collectif dispose de son propre lieu, un centre communautaire disposant d’un skate park pour enseigner le skate en toute sécurité aux enfants & jeunes vulnérables.

Y seraient également organisés des ateliers culturels, des ateliers de soutien psychologique et toute autre discipline permettant d’aider les jeunes filles, capitalisant sur les parcours et professions variées des membres d’Imilla Skate (psychologue, physiothérapeute, sociologue, designeuse …)

Il y aurait quelques pistes de lieu de la municipalité, mais malheureusement très hypothétiques à date…



Alors lors de votre prochain passage à Cochabamba, n’oubliez pas d’aller faire un tour à l’Ollantay Skatepark en espérant croiser les filles du collectif Imilla Skate!!



Sources / Pour aller + loin

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